Les enfants de Lip : 5 coopératives et 2 associations en effervescence
Dans cette seconde phase, l’heure est désormais à la construction. Pour Dominique Bondu, auteur de Lip, dix ans après1, il s’agit du « passage décisif de la « lutte contre », c’est-à-dire revendicative et dénonciatrice, à la « lutte pour », autrement dit la construction du projet collectif. »
Ainsi l’expriment les slogans sur les affiches de Lip : « Travailler et vivre autrement », «Lutter, vivre, construire » !
Dans leur développement, les Lip font le choix de créer plusieurs coopératives pour les différentes activités qui les rassemblent, pour la plupart inspirées des actions lancées pendant la période de lutte.
Au total, ce sont cinq coopératives et deux associations qui voient le jour, développent de nouvelles productions, créent de l’emploi, avec pour objectif de réembaucher l’ensemble des anciens salariés.
Malgré le départ forcé de l’usine de Palente en 1981, l’éclatement des activités sur différents sites et la dispersion de la communauté, ils tentent de faire perdurer l’esprit de LIP.
Les Industries de Palente
La première coopérative industrielle, et la plus connue, reprend l’acronyme LIP, pour Les Industries de Palente, autour de l’activité originelle de Lip : horlogerie et mécanique.
Elle réembauche 160 salariés, avec l’objectif d’en réintégrer progressivement davantage. L’atelier mécanique compte 80 salariés, sur de la mécanique de précision en petite série, ainsi qu’en sous-traitance de plus grandes séries sur de la mécanique classique.
Côté horlogerie, 70 personnes sont employées pour monter et assembler les montres, mais il n’existe plus de chaîne de fabrication de pièces.
En plus des ouvriers dédiés à l’assemblage, l’atelier compte plusieurs technico-commerciaux pour assurer la vente de la production, diffusée notamment en grande distribution - en partenariat avec la marque Kiplé - et auprès de comités d’entreprises.
Le retour à un système de production industriel efficient est une gageure tant le secteur a évolué en quelques années. Les Lip, tout comme leurs machines, accusent un certain retard technologique, lié aux avancées industrielles récentes dans un contexte de concurrence accrue.
Le restaurant coopératif Au chemin de Palente
Créé pour soutenir les grévistes et les chômeurs, le restaurant est une institution, à la fois lieu d’accueil, de convivialité et de solidarité. Dès son passage en coopérative, le restaurant embauche 7 salariés et confectionne en moyenne 300 repas par jour, pour l’usine et pour les habitants. Il permet de nourrir chacun à petit prix, façon coopérative de consommation.
La SCOP Commissions Artisanales de Palente
Fondée officiellement en juillet 1979, la SCOP CAP est une émanation des multiples commissions artisanales nées pendant la lutte. La transformation de petites unités de production autogestionnaires, issues de la créativité des salariés, en une entreprise rationalisée et concurrentielle est un pari qui nécessite d’adopter un fonctionnement et un mode de fabrication viables. Il s’agit également d’imaginer des produits attractifs qui séduisent au-delà des cercles militants, constituant auparavant sa principale clientèle. Après quelques mois, la SCOP CAP parvient à concevoir une collection d’articles d’intérieur, commercialisée sous la marque « Bons Jours ».
La Lilliputienne
Fondée également sous forme coopérative, la Lilliputienne est une imprimerie Offset qui assure tous les services liés à l’impression : composition des documents, impression, reliure, pliage, … Elle fonctionne avec une équipe de 6 personnes et est installée dans de vastes bâtiments rachetés et rénovés par la municipalité dans le cœur de Besançon.
La Société coopérative des Etudes et Industries de Palente
La SCOEIP, créée en 1980 et constituée d’une vingtaine de personnes, va développer différentes prestations et brevets technologiques dans le domaine de la mécanique, avant de se spécialiser dans la relance des entreprises en difficulté, forte de son expérience en la matière.
Le CLEF, pour Collectif de Liaison, Etudes et Formation
Monté en association, le collectif CLEF réunit une vingtaine d’anciens salariés de Lip qui ont suivi une formation poussée en sciences sociales du travail entre 1978 et 1980. Le collectif contribue à la recherche d’activités complémentaires et conçoit un certain nombre de services culturels (séjours touristiques et culturels en Franche-Comté, stages de loisirs) proposés à différents publics et comités d’entreprises extérieurs.
L'association des Amis de Lip (2AL)
Constituée sous forme associative, l’Association des Amis de Lip rassemble sympathisants et bénévoles issus de la mobilisation. Dès le départ, elle a assuré le soutien moral et financier apporté à la lutte LIP. Par la suite, elle vise à faire subsister l’esprit et le projet social nés du mouvement. C’est en son sein que se poursuit la publication du journal Lip-Unité.
Documents à télécharger
1 (In: Autogestions, NS N°14, 1983)