1973 De la grève à l’autogestion, les prémices du sentiment coopératif
Juin 1973, l’annonce du dépôt de bilan et la menace de licenciements entraîne un vif mouvement de contestation chez les 1 200 salariés de Lip. Les employés ne se résignent pas à voir leur outil de travail disparaître par le cynisme de quelques actionnaires et choisissent de se battre. Dès le 12 juin, ils se mettent en grève et occupent leur usine de Palente. Quelques jours plus tard, ils décident de reprendre le travail à leur compte, en autogestion. Leur slogan résonne : "C'est possible : on fabrique, on vend, on se paie"
"C'est possible : on fabrique, on vend, on se paie"
Le slogan, symbole de la lutte des Lip
Le conflit se médiatise et mobilise bien au-delà de l’échelon local. Le 29 septembre 1973, une grande manifestation rassemble quelques 100 000 marcheurs à Besançon, venus de toute la France.
La lutte prend une tournure éminemment politique, faisant intervenir des personnalités publiques, politiques et syndicales de premier plan. Lip devient, aux yeux de l’opinion publique, un symbole de résistance dans le bras de fer entre patronat et classe ouvrière.
De nouveaux modes d’action : de la grève aux ventes sauvages
Dès les premiers jours de l’occupation de l’usine, les salariés ont réquisitionné le stock de montres (25 000 montres) et les ont caché. Tout d’abord moyen de pression dans les négociations, cette production a été rapidement remise en vente, afin d’assurer un revenu aux salariés, une « paie de survie ».
En complément des ventes sauvages de montres, plusieurs commissions se mettent en place spontanément pour produire des biens artisanaux destinés à alimenter la caisse de lutte. Des services sont imaginés pour soutenir les chômeurs et faciliter leur quotidien, tels que le restaurant solidaire, des groupements d’achat, …
L’autogestion, une expérience fondatrice pour les Lip
Le principe de l’autogestion consiste à confier la gestion d’une entreprise à ceux qui en sont membres, ici les salariés, sans délégation de pouvoir. Dès lors, les décisions se prennent de manière directe en assemblées générales, auxquelles participent la majorité des salariés. Ceux que l’on appelle désormais « les Lip » trouvent au sein du collectif des ressources insoupçonnées. Leur engagement est multiple : implication dans diverses commissions, tours de garde à l’usine, ventes militantes de montres, et aussi la participation à d’autres luttes comme celle des paysans du Larzac qui bat son plein à la même époque.
La culture commune ainsi créée, ainsi que les initiatives nées pendant les premières années du conflit, posent les conditions favorables à l'émergence du projet coopératif futur. Elles font naître une communauté soudée ; dessinent un idéal fraternel de travail et de vie en collectif ; donnent le goût de l'audace et la détermination d'entreprendre à leur façon.