Du XIXe au XXIe siècle : un modèle coopératif pour de nouvelles solidarités
A partir de 1906, date à laquelle la Confédération générale du travail (CGT) proclame l'indépendance des syndicats vis-à-vis de l'Etat et des forces politiques, le mouvement coopératif peine à trouver sa légitimité, écrasé par la puissance syndicale. Pourtant, la CGT utilise depuis plusieurs années déjà la forme coopérative - toujours sous contrôle syndical - pour assurer des reprises d'usines menacées de fermeture.
Le rôle des syndicats et de l'action politique est également à souligner dans les diverses transformations sociales du XXe siècle, notamment en matière de protection sociale, de négociation collective et de garantie sur les revenus, donnant ainsi au salariat de nouvelles lettres de noblesse. La coopération ouvrière, dont le projet était de dépasser le statut "indigne" du salariat, semble dépassé...
Pourtant, la succession des guerres et crises économiques qui rythment la première partie du XXe siècle, met une nouvelle fois à mal la confiance des travailleurs en l'action politique et syndicale. C'est un espoir nouveau dans le projet du Conseil national de la Résistance qui relancera, dès 1945, la dynamique de la coopération ouvrière via le mouvement des Communautés de travail.
La période de croissance économique des "30 Glorieuses" qui suivra réduira toutefois cet élan idéaliste : les valeurs coopératives ne sont plus dans l'air du temps face au plein emploi, à la financiarisation des échanges et à la montée de l'individualisme... mais auront de nouveau le vent en poupe dans les années 1970, suite aux chocs pétroliers qui fragilisent le marché de l'emploi.
La loi de 1978 portant sur le statut des sociétés coopératives de production engendre un essor du modèle et du nombre d'emplois qui dépasse les 40 000 salariés dans les années 1980.
Dans ses écrits de 1997, François Espagne exprime sa crainte de voir le statut coopératif menacé, faute notamment d'une représentativité des classes sociales et de la perte de l'esprit de lutte. Il cite toutefois Balzac pour dire son espérance en de nouveaux modèles coopératifs à inventer :
"L'espérance est la mémoire qui désire"
Honoré de Balzac
Et pour cause, la crise économique de 2008 semble avoir rebattu les cartes, laissant émerger de nouveaux enjeux collectifs qui remettent les principes de solidarité et de durabilité au coeur d'un projet de société global.
L'apparition progressive des Coopératives d'activité et d'emploi (CAE) puis des Sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic), puis enfin la loi de 2014 sur l'Economie sociale et solidaire (ESS), viennent renforcer le mouvement des Scop, aujourd'hui ouvert à tous les secteurs d'activité sous l'appellation générique de Sociétés coopératives et participatives.
Que ce soit via la Confédération générale des Scop ou l'Alliance coopérative internationale, la promotion et le développement du mouvement coopératif initié au XIXe siècle ne cesse de progresser en France et à travers le monde pour écrire chaque jour une nouvelle page de son histoire.
Ecrits de François Espagne :
- Les coopératives ouvrières de production en Europe. De la création du CECOP - Comité européen des coopératives de production - en 1979 à la fin du XXe siècle, 2000.
- Cinq questions sur l'économie sociale et solidaire, 2002.
- Economie sociale et solidaire : histoire et valeurs, 2008.
- Crises et mutations, 2009.