Des lois fondatrices sous la IIIe République
C'est en 1884 que tout s'accélère. Le ministre de l'intérieur Pierre Waldeck-Rousseau fait voter une loi sur la liberté d'association professionnelle : la formation de syndicats de salariés est désormais autorisée et intégrée au Code du travail. C'est un réel bouleversement pour l'ensemble des professions, notamment pour les agriculteurs et les vignerons qui utilisent très rapidement cet outil législatif pour s'organiser.
Intervient alors celui qui restera dans les mémoires comme un des pères fondateurs du Crédit Agricole. Fervent républicain, engagé dans la guerre franco-prussienne de 1870 et figure majeure du syndicalisme catholique, Louis Milcent est auditeur du Conseil d'Etat jusqu'en 1879. A cette date, il prend ses distances avec la République anticléricale de Jules Grévy et démissionne. Il s'installe alors dans le Jura où il fait une rencontre décisive : c'est en effet avec Alfred Bouvet, industriel dans la filière bois et notable de la commune de Salins-les-Bains, qu'il fonde en 1884 le Syndicat agricole de l'arrondissement de Poligny.
Dans l'idée de créer des structures locales indépendantes de l'Etat, Milcent et Bouvet poursuivent leur oeuvre en réponse aux problématiques de financement des activités agricoles. Ils fondent ainsi, en 1885, la première Caisse de crédit mutuel agricole pour l'arrondissement de Poligny à Salins-les-Bains. Rapidement, ce tout nouveau modèle coopératif essaime dans le France entière et l'on compte plus de trois cents caisses agricoles du même type en 1898.
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En cette fin de XIXe siècle, à l'échelle nationale, une figure politique fait de la défense du monde agricole son combat. Il s'agit de Jules Méline, ministre de l'Agriculture puis président du Conseil de 1896 à 1898. Considérant l'agriculture comme un pilier de l'économie française qui ne doit pas être relégué en faveur de l'idéologie du "tout pour l'industrie", il créé dès 1883 l'ordre du Mérite agricole - surnommé "le poireau" - et s'oppose grâce à des mesures protectionnistes au libre-échange qui menace les agriculteurs de la concurrence internationale.
Jules Méline est aussi à l'origine de la loi du 5 novembre 1894 qui autorise la création de sociétés locales de crédit agricole, engageant la responsabilité des membres des syndicats agricoles selon le principe de mutualisme. Il s'inspire en cela du modèle de Poligny.
Cette loi permet à la IIIe République de s'attacher le vote paysan en facilitant l'octroi de crédits nécessaires au financement de la production agricole. Elle joue un rôle fondamental dans le développement du modèle coopératif initié à Salins-les-Bains et signe l'acte de naissance du Crédit Agricole tel que nous le connaissons aujourd'hui.