Coopératif. Le mot repris par calque de l'anglais cooperative lors de la diffusion en France des idées de Robert Owen nous réunit aujourd'hui. De l'expérience américains de la ville d'Harmony de Gorges Rapp, au théoricien britannique Robert Owen en passant par les penseurs du socialisme français tels Saint-Simon, Charles Fourier ou Charles Gide, ces penseurs ont suscité, éveillé, influencé les expériences coopératives de chaque côté de l'Atlantique.

C'est aussi un morceau de cette histoire que vous racontez "Dans le palais des rêves, La vie et l'époque du légendaire Chelsea Hotel de New York" qui a touché de nombreux lecteurs et parmi eux le jury qui vous remet ce soir le Prix du livre Fourier-Considerant, chère Sherill Tippins.

Beaucoup voient dans votre ouvrage, l'histoire de ce lieu légendaire, qui fascine toujours autant, et qui a marqué les esprits, et chacun ici de citer en fonction de ses appétences différents artistes (Mark Twain, Arthur Miller, Jack Kerouac, Charles Jackson, Pollock, Andy Warhol, Stanley Kubrick, Leonard Cohen, Bob Dylan, Jimi Hendrix, Patti Smith, Sam Shepard, Janis Joplin, Dennis Hopper, Sid Vicious, .... (et j'en oublie)).

Mais avant de nous entraîner dans l'histoire de ce lieu légendaire, vous nous faites découvrir, avec une grande précision les premiers jours de cette communauté coopérative, construite par l'architecte français Philip Hubert. Vous revenez sur la filiation entre Philip Hubert, l'architecte qui a conçu le Chelsea et le fouriérisme, influencé par les idées de Charles Fourier - dont le père avait dessiné les plans de la phalange fourieriste expérimentale de Condé-sur-Vesgre en 1932 et qui avait reçu la visite de Victor Considerant aux Etats-Unis... Et c'est pour cela que l'association Les Amis de Victor Considerant et les défenseurs de l'utopie fourieriste ont été conquis par votre livre. Cet vous nous faites découvrir la genèse de ce projet d'habitat au-delà des quelques lignes sibyllines reprises dans de nombreux articles : "Bâti en 1883, le Chelsea Hotel, qui compte 250 chambres réparties sur onze étages, fut l'une des premières coopératives d'habitations privées de New York. L'expérience tourna court et, en 1905, le Chelsea devint à la fois un hôtel et une résidence."

C'est grâce à votre livre que l'on découvre le contexte dans lequel est né ce lieu de création mondialement connu. "Dans le palais des rêves" raconte un New York en crise en 1873 et des idées fourieristes remises à l'honneur afin de réparer le tissu économique et social. L'unité face au désastre, les enjeux collectifs et les principes de solidarité dans le ville de New York! Car c'est bien un projet de co-propriété d'un immeuble résidentiel et de structure de société par action que propose Philip Hubert dans ses "Home Club Association" et particulièrement au "Chelsea Association Building". Association qui n'est pas sans rappeler dans sa composition sociale celle recommandée par Fourier : cultivateurs et fabricants sont remplacés ici par les promoteurs immobiliers, maçons et entrepreneurs en bâtiments (ayant participé à la construction), capitalistes, savants et artistes sont au Chelsea peintres, sculpteurs, musiciens acteurs, auteurs et financiers philanthropes. Une diversité de membres.

Je retiendrai également de ma lecture, l'empreinte architecturale des immeubles coopérarifs de Hubert à New York, avec pour le Chelsea son style victorien gothique, mais surtout les nombreus espaces communs (salle à manger, salon, promenoir sur le toit, ...) jugés indispensables à une vie créative par Fourier, la large gamme des appartements - de toutes tailles et prix -, et les ateliers d'artistes au dernier étage. De quoi assurer la diversité de ses résidents. A noter les 80 appartements correspondant au nombre minimum de 80 familles considéré par Fourier comme nécessaire pour l'établissement d'une phalange d'essai, et la présence de tournesols en fer forgé ornant les balcons extérieurs et l'escalier central, évoquant la "fleur de Fourier".

Je l'ai dit, j'ai aimé découvrir dans le début de l'histoire du Chelsea Hotel une aventure coopérative et les nombreuses inspirations fourieristes. Vous ne m'en voudrez donc pas si j'y ai vu une filiation entre l'origine communautaire / l'habitat coopératif et les résidents artistes qui ont fait sa renommée. Et si les circonstances de la création du Chelsea Hotel marquaient sa destinée créative et communautaire?! Le Chelsea construit par Hubert a permis aux artistes qui y ont séjourné d'y trouver des espaces correspondants à leurs besoins.

Si l'aventure coopérative du Chelsea Hotel est brève (d'aucuns diront que l'utopie tourne court), elle a laissé une trace que l'on peut trouver "Dans le palais des rêves. La vie et l'époque du légendaire Chelsea Hotel". C'est pour ces raisons que le jury s'est montré sensible à votre ouvrage.

Car ici, à la Maison de Salins, le modèle coopératif et ses valeurs sont de nouveau mis sur le devant de la scène, replacçant au coeur de l'activité économique les femmes et les hommes qui l'organisent jour après jour.

Cette ancienne maison a vu naître le Crédit agricole en 1885. Elle accueille tout d'abord entre ses murs le premier syndicat agricole de l'arrondissement de Poligny, qui deviendra plus tard la première caisse locale du Crédit agricole. C'est la Maison de Salins qui abrite la Fondation éponyme qui a pour mission la promotion des connaissances liées à l'histoire du mouvement coopératif tous secteurs d'activité confondus. Et avec votre ouvrage, nous y sommes! C'est pourquoi je suis ravie d'être parmi vous ce soir pour rappeler à l'occasion de cette formidable initiative de L'Atelier combien la promotion du modèle coopératif est importante.

Merci à tous ceux qui ont rendu ce prix possible aujourd'hui. L'Atelier et Les amis de Victor Considerant pour l'organisation du prix du livre Fourier-Considerant, la Fondation Maison de Salins pour son soutien.

Merci Sherill Tippins d'avoir mis l'histoire du Chelsea Hotel au service de l'avenir coopératif.